Reprendre une entreprise industrielle
3 questions à Gaël HARDY, actuellement en cours de reprise d’une entreprise industrielle.
Lauréat d’une des premières promotions de Passeport Armorique en 1995, Gaël HARDY avait pour ambition d’entreprendre dans l’industrie. Il a choisi d’étudier à l’EM Strasbourg Business School où il a suivi une spécialisation industrielle de quatre ans dont une année d’études en Angleterre dans les domaines de la logistique, production et achats. A l’issue de cette formation, il occupe un poste d’acheteur puis de responsable des achats chez un équipementier automobile allemand. Après 2 années chez Mitsubishi Electric Telecom où il est en charge des investissements, il cherche à intégrer une PME.
Fin 2002, il est recruté par Euro-Shelter à Rennes. Responsable des achats et de la logistique, puis pilote d’un centre de profits visant à diversifier l’activité de l’entreprise, il se voit confier la direction générale de la PME courant 2006. Après avoir développé de nouveaux marchés et fait évoluer les équipes, Gaël HARDY, alors âgé de 40 ans, est rattrapé par son envie d’entreprendre et s’intéresse à la reprise d’une entreprise industrielle.
Quel a été pour vous l’élément déclenchant pour entreprendre et vous lancer dans la reprise d’une entreprise ?
L’idée entrepreneuriale, je l’avais dès le début sans savoir vers quel type d’entreprise j’allais me tourner, tout en ayant un réel intérêt pour l’industrie et les métiers techniques; vers lesquels j’ai donc orienté mon parcours.
Au bout de 11 ans chez Euro-Shelter, dont 7 ans à la Direction Générale, je suis arrivé au bout du schéma qui m’était proposé. Je me suis dit que c’était le moment de franchir le pas et donc de me lancer dans une démarche entrepreneuriale.
Pour pouvoir prétendre à être un repreneur crédible, il faut faire pas mal de choses. Il ne suffit pas d’avoir une expérience de dirigeant : savoir diriger une entreprise c’est une chose, savoir en acquérir une, c’en est une autre… Le processus de reprise d’entreprise est très complexe, délicat et donc très long. Pour les cédants qui partent en retraite par exemple, la démarche s’accompagne d’un affect particulier : ils ont vécu 20 ou 30 ans au moins avec leur entreprise ; elle peut parfois porter leur nom. Ils sont soucieux de ce que vont devenir leur entreprise, l’image de ce qu’ils ont construit, leurs équipes : quel crédit peuvent-ils accorder à la personne qui reprend ? La transmission d’une entreprise, c’est une histoire de rencontre et de similitude en matière de valeurs et de mode de fonctionnement.
La reprise d’une entreprise ne s’improvise pas : il y a une courbe d’apprentissage dont j’ai pris conscience assez tôt.
Comment avez-vous procédé ?
Je me suis inscrit à une formation à la reprise d’entreprise auprès du CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires), une association nationale pour la transmission d’entreprises. En 3 semaines intensives, j’ai appris à maîtriser tous les aspects de la reprise d’entreprise que ce soit le cadrage, le sourcing, l’analyse des dossiers, la négociation, les montages financiers, et tous les aspects juridiques et commerciaux.
La formation du CRA m’apporté de la crédibilité dans la posture de repreneur : des gens qui s’annoncent repreneurs, il y en a énormément mais des gens qui se consacrent à 100% à ce projet-là, il y en a déjà moins et des gens qui se forment au process de l’acquisition, il y en a encore moins.
Par ailleurs, le CRA donne accès à une bourse d’opportunités : il y a environ 600 entreprises à vendre pour environ 1200 repreneurs potentiels inscrits. Il s’agit d’une bourse nationale qui est relayée dans les régions par des délégués membres bénévoles du CRA qui accompagnent à la fois des cédants et des repreneurs en local.
J’ai donc un parrain au CRA qui m’accompagne dans ma démarche et je fais partie d’un groupe de repreneurs issus de ma formation. Je suis également membre du CCRE 35 (Club des créateurs, repreneurs et entrepreneurs) à Rennes. Au sein de chaque réseau, nous échangeons sur la méthodologie, les outils, les opportunités : on profite de l’expérience de chacun au fur et à mesure de son avancée dans le processus tout en respectant des règles de confidentialité pour les dossiers sur lesquels nous travaillons. Par ailleurs, participer à des événements organisés par les acteurs de la transmission d’entreprise est très important : cela permet d’être connu et de montrer que l’on est actif.
Ainsi, le travail d’un repreneur, après avoir défini son projet (zone géographique de recherche, caractéristiques de l’entreprise, business model), c’est de se rendre visible et crédible auprès de tous les professionnels de l’intermédiation dans sa zone géographique. Le marché de l’intermédiation est très atomisé : on y trouve des cabinets de fusions-acquisitions, des avocats d’affaires, des notaires, des experts-comptables, des membres de CCI… Personnellement, je suis accompagné par Isabelle Granger de la CCI de Rennes qui anime la bourse d’opportunités « Reprendre en Bretagne ». C’est la partie visible de l’iceberg : peu d’entreprises de taille supérieure à 10 salariés sont visibles sur ce genre de plate-forme ; il faut donc se tourner vers les autres professionnels de la transmission. Un chargé d’affaires qui s’occupe d’intermédiation va peut-être gérer 8 à 12 dossiers dans l’année. Il faut donc en rencontrer beaucoup pour être sûr de tomber sur le dossier qui correspond à ses critères : pour ma part j’ai développé des contacts auprès d’environ 200 personnes. Concrètement, depuis novembre 2014, j’ai analysé 25 dossiers, j’ai rencontré 9 cédants, j’ai fait 3 offres de reprise d’entreprises et je suis actuellement en négociation avec la 3ème entreprise.
Passeport Armorique pour entreprendre s’adresse à des étudiants qui ont envie d’entreprendre : Pensez-vous que la reprise d’entreprise soit accessible à un jeune entrepreneur ?
Les repreneurs sont pour la plupart des gens qui ont eu des responsabilités au moins d’encadrement, si ce n’est de direction. Par ailleurs, pour reprendre une entreprise, il faut des moyens financiers… mais tout est une question de taille d’entreprise.
Il y a beaucoup de gens qui partent sur des idées de création parce qu’ils ont leur idée marché. Ils ne se rendent pas compte que l’acquisition d’une toute petite structure existante pour leur servir de « camp de base » ou de rampe de lancement peut aussi être une très bonne démarche financièrement accessible : commencer dans son garage ou dans son bureau à la maison, ce n’est pas forcément la meilleure façon de se lancer.
Quand j’ai candidaté à Passeport Armorique pour entreprendre, j’avais envie d’entreprendre. Mon parcours professionnel m’a permis d’apprendre à diriger une entreprise mais je n’ai pas de compétence technique différenciante qui pourrait m’être utile dans le cadre d’une création d’entreprise. Je suis donc parti sur la reprise d’une entreprise reconnue pour son savoir-faire et mon travail sera de le mettre en valeur, de trouver de nouveaux débouchés et de développer la structure. Reprendre une entreprise, c’est prolonger une aventure collective, avec la possibilité peut être de transmettre à mon tour. C’est cela qui m’intéresse et me challenge.