L’équity-crowdfunding pour les startups en développement

3 questions à Thomas DEROSNE, créateur de MyNewStartup, parrain Passeport Armorique 2014.

photo_tderosne_vpaeSpécialiste de la finance, Thomas Derosne (ancien étudiant de l’IAE IEMN) a démarré sa carrière professionnelle aux Etats-Unis en tant que directeur financier partagé de filiales américaines de sociétés européennes (Dailymotion, Neolane…). En 2008 à New-York, les fondateurs de Kickstarter pitchent pour présenter leur projet de plate-forme ; Thomas Derosne est là et découvre alors le crowdfunding. De retour en France, après quelques années chez OROLIA, il lance fin 2013 la plate-forme d’équity-crowdfunding MyNewStartup.

Qu’est-ce que le crowdfunding ? Qui peut en bénéficier ?… Passionné par l’entrepreneuriat et spécialiste de la finance d’entreprise, notre interlocuteur nous fait partager son expérience sur le sujet.

Pourquoi avez-vous créé MyNewStartup et comment votre plate-forme s’inscrit-elle dans le paysage des investissements dédiés aux entreprises ?

Fin 2012, je me suis dit que le marché français était prêt… MyNewStartup, c’est un mix de plusieurs passions, de la finance à la startup en passant par le digital avec un constat qui est clair : aujourd’hui, le financement des entreprises est compliqué. Il y a ce qu’on appelle l’Equity Gap qui se traduit pour une entreprise par son besoin de financement de fonds propres entre 100.000 € et 1 M€. D’après une étude récente, il y a un besoin d’environ 4 milliards d’euros en France pour les entreprises dans la catégorie amorçage/développement. Les 4000 Business Angels référencés par France Angels financent environ 40 à 44 M€ par an. Le crowdfunding est complémentaire à ce qui existe et répond vraiment à cette problématique d’Equity gap.

Un réseau Business Angels, c’est entre 20 et 50 à 100 personnes pour de grands réseaux parisiens. Pour y entrer, il faut avoir une capacité d’investissement de 20 à 100 K€ par an. Avec le web, les plates-formes de financement participatif peuvent rassembler une communauté importante : aujourd’hui, MyNewStartup a construit une communauté de plus de 12000 investisseurs potentiels. Notre ticket d’entrée est de 1000 € minimum sachant que certains de nos investisseurs peuvent investir jusqu’à 200 000 € sur une entreprise. Pour faire venir les investisseurs potentiels, nous sommes également très actifs dans les médias et sur le terrain ; notre périmètre d’intervention va de la Normandie à l’Aquitaine, en passant par Paris. C’est vraiment notre cœur géographique, même si on a des communautés en Rhône-Alpes et autres.

Avec le web, on communique auprès de beaucoup de monde en même temps ; c’est un élément important.  Les Business Angels, les fonds d’investissements, les banques, les avocats, les experts-comptables… l’ont bien compris et nous amènent des dossiers pour qu’on intervienne en co-financement avec eux. D’une part, cela permet de diluer le risque. Par ailleurs, l’étude de marché grandeur nature que nous faisons en soumettant chaque projet au vote de notre communauté avant d’ouvrir le financement permet de montrer qu’il y a des gens convaincus de l’intérêt du produit ou service proposé et prêts à le financer pour en assurer le développement ; cela permet de sécuriser le dossier.

Comment le financement participatif évolue-t-il et se structure-t-il en France ?

Il y a environ 70 plates-formes référencées en France qui exercent 3 métiers très différents dans le financement participatif. Tout d’abord, le métier du don avec des plates-formes comme Ulule ou KissKissBankBank. Concrètement, il n’y a aucune réglementation ou très peu les concernant parce que l’on est sur des petits montants. C’est facile, tout le monde peut monter ce type de plate-forme.

Ensuite, il y a le métier du prêt qui est récent. Il a émergé suite à la réforme d’octobre 2014 (cf. Décret n° 2014-1053 du 16/09/14 relatif au financement participatif) qui encadre l’activité des plates-formes de crowdfunding. Il s’agit là d’un métier réglementé, contrôlé pour lequel il faut avoir un agrément. Dans ce métier, les plates-formes se sont multipliées parce que l’agrément est relativement simple à obtenir ; aujourd’hui, 5 d’entre elles fonctionnent bien.

Et enfin, le 3ème métier est celui des fonds propres, donc du capital (equity crowdfunding), où l’on permet à des particuliers de devenir actionnaires – c’est ce que fait MyNewStartup. C’est presque le niveau le plus élevé en termes d’accréditations. Il faut être conseiller en investissements participatifs : cela veut dire que l’on est agréé par l’Autorité des Marchés Financiers, un agrément difficile à obtenir… Cet agrément répond à une demande des plates-formes : il leur permet aujourd’hui d’avoir un métier régulé, avec des process spécifiques. Mais c’est aussi une barrière à l’entrée : l’agrément donné par l’AMF est très difficile à obtenir. Aujourd’hui, 5 plates-formes ont vraiment levé de l’argent et fonctionnent. Les ¾ de ces plates-formes sont parisiennes ; WiSEED, la plate-forme historique dans l’equity crowdfunding a été créée à Toulouse même si elle est fortement représentée à Paris et MyNewStartup est quasiment la seule à fonctionner en province.

Avec le développement du Digital, les étudiants qui entreprennent pendant ou dès la fin de leurs études sont de plus en plus nombreux. Disposer de financements au bon moment pour faire avancer leur startup est déterminant pour ces porteurs de projets souvent peu argentés. Quels conseils leur donneriez-vous pour que leur dossier retienne l’attention des financeurs ?

A titre d’exemple, voici quelques chiffres sur les demandes de financement que l’on reçoit : en 2014, MyNewStartup a reçu 600 dossiers ; 2 à 3 % vont être financés. Aller chercher de l’argent quand on est porteur de projet, ça se prépare, y compris pour le crowdfunding. Quand on a besoin d’un peu d’argent (entre 500 et 10.000 €), on peut faire appel au don (donc aux plates-formes comme Ulule et KissKissBankBank) : il n’y a pas de sélection à l’entrée. Pour le prêt, c’est écarté car l’entreprise doit déjà avoir 2 ans d’activité et deux bilans positifs. Et pour les fonds propres, les plates-formes interviennent quasiment uniquement, sauf cas exceptionnel, sur des entreprises qui ont un début de traction : il faut que l’entreprise soit déjà créée et qu’elle ait un début d’activité (elle n’existe pas seulement sur le papier).

En France, il existe une multitude de dispositifs d’accompagnement et de soutien financier pour faciliter le démarrage d’une activité. Il ne faut surtout pas passer à côté : les réseaux d’accompagnement à la création d’entreprise (CCI, réseau Initiative, réseau Entreprendre,…) conseillent et aident à réunir un capital qui va permettre de créer ce début de traction. Cette première étape, c’est un enchainement d’apports (personnel, banque,…) et d’aides (BPI France, bourse French Tech…) qui peut permettre de réunir à peu près 100000 €, à condition d’y consacrer le temps nécessaire.

Et ensuite, on va chercher à lever des fonds auprès de Business Angels, auprès de nous, etc… Le crowdfunding, ce n’est pas magique, ce n’est pas parce que l’on se met sur une plate-forme que l’on va gagner de l’argent, il y a des échecs… et puis surtout ce n’est pas parce que l’on est sur une plate-forme (hormis les plates-formes de dons) que l’on va avoir une campagne. Nous excluons énormément de dossiers parce qu’il y a une forte responsabilité de notre part vis-à-vis des investisseurs ; n’oublions pas que l’on va nous juger dans quelques années sur notre taux de succès ! Ca nous est déjà arrivé de dire à un entrepreneur « on ne vous suit pas parce qu’on estime que vous n’êtes pas prêt à vous lancer ».

Quand on est entrepreneur, il faut accepter la critique, accepter d’être remis en question et accepter de se remettre en question ; aller dans le mur, ça ne sert à rien. Je suis intimement persuadé qu’il faut un minimum d’expérience professionnelle pour se lancer dans l’aventure. Même si c’est court… Et il faut y aller conscient de ce qu’il va falloir mettre sur la table derrière.

 

En savoir plus :

MyNewStartup – Tél. 09 84 15 75 86 – https://www.mynewstartup.com/

Aller plus loin : http://tousnosprojets.bpifrance.fr/