Patrice VALANTIN témoigne de son expérience de parrain
… et revient sur ses échanges avec Clotilde Bois-Marchand, lauréate 2013.
Le projet de Clotilde a beaucoup évolué en une année, car la version initiale n’était pas viable économiquement. Il s’agit maintenant de proposer des carrés médiévaux – les potagers surélevés d’antan– avec une approche de maraîchage en permaculture. L’innovation de ce produit n’est pas tant dans le potager lui-même que dans l’offre de service d’installation et de suivi des carrés. C’est cet aspect qui est vraiment intéressant, car le carré de légume devient l’occasion d’échanges et de convivialité.
Mon entreprise, Dervenn, va ouvrir un espace de démonstration sur la biodiversité et l’agriculture en mai dans une malouinière (manoir de corsaire) de Saint-Malo, qui inclura ces carrés médiévaux. Clotilde participera à cette réalisation afin de se tester sur le plan technique en grandeur réelle. Elle doit bien sûr en premier lieu terminer ses études et réussir son concours, mais je lui ai proposé à l’issue, si elle le souhaite, de développer son projet en partenariat avec Dervenn.
Ce projet a mûri progressivement, et il y a eu une vraie progression dans nos échanges. Je lui ai apporté en premier lieu mon regard et mes réflexes d’entrepreneur : « y a-t’il une activité possible ? Le produit peut-il intéresser des clients potentiels ? Sont-ils prêts à payer pour ce produit ? Combien ? Quel est le coût de production et le prix probable couvre-t-il ce coût ? » J’ai ainsi amené Clotilde à rédiger un business plan réaliste, en me considérant comme un banquier ou un investisseur : « convainc moi que si je place de l’argent dans ton projet, je vais avoir un retour sur cet investissement. Car si moi je n’y crois pas, aucun banquier n’y croira ».
Nous avons travaillé par étapes, et nous avons surtout intégré une dimension sociale afin de donner du sens à cette aventure. La création de valeur ne peut pas être simplement monétaire, et l’entreprise doit aussi générer des valeurs humaines. Clotilde porte ces valeurs. Je me suis donc contenté de l’aider à formaliser son offre de service pour la mettre en alignement avec ces valeurs. L’installation de potager auprès de personnes isolées, en particulier de personnes âgées, dépasse la simple action de plantation et de récolte de légumes dans un carré, car c’est surtout l’occasion d’assurer une présence et de témoigner de l’attention de manière régulière.
Son projet commence vraiment à avoir du sens et de la consistance. Il faut encore le travailler, et elle pourra très certainement bénéficier de financements publics en raison de son caractère social innovant.
J’apprécie beaucoup de travailler avec Clotilde car elle s’intéresse vraiment à l’entrepreneuriat. C’est d’autant plus admirable qu’elle est en classe préparatoire et dispose de peu de temps.
Lorsque nous avons commencé à travailler, Clotilde avait déjà beaucoup de maturité : elle porte des valeurs, sait où elle va, est posée et réfléchie. Mon apport se situe plutôt dans le domaine de la connaissance de l’entreprise et les dimensions opérationnelles et financières. Les échanges sont toujours très intéressants, car Clotilde est attentive, cherche à comprendre et analyse. J’ai déjà pratiqué plusieurs parrainages, que ce soit avec Passeport Armorique ou d’autres réseaux, mais je pense que c’est avec Clotilde que l’expérience est la plus intéressante, car nous sommes en phase sur de nombreux points. D’un rendez-vous à l’autre, il y a un vrai travail d’effectué sur le projet et une réelle recherche personnelle. Clotilde à l’indépendance d’esprit et le sens de l’engagement indispensable au métier d’entrepreneur.
Je participe souvent à l’accompagnement des jeunes, car en tant que chef d’entreprise, j’estime que nous devons nous sortir les mains des poches si nous voulons changer le monde (ce qui commence à devenir urgent !)… C’est à nous, entrepreneurs, de former les jeunes que l’on intégrera dans nos entreprises, car ils ont besoin d’un accompagnement que le système actuel ne fournit plus. Le parrainage, c’est une expérience gagnante/gagnante qui nous permet de connaître les jeunes, de les aider à aller plus loin dans leurs projets et de les éclairer sur leur faisabilité. A l’origine, le projet de Clotilde n’était pas viable et c’est tout à fait normal car il manquait des méthodes de réflexion « entrepreneur »… Maintenant, j’y crois, et même sur un registre purement technique et commercial je suis intéressé pour le développer. Cela prouve encore une fois que les jeunes qui veulent faire quelque chose peuvent se prendre en main… et très certainement réussir.
L’indépendance et de la liberté sont des facteurs déterminants pour nous, entrepreneurs d’aujourd’hui. Plutôt que de se plaindre du système, il faut changer le système. Mais on ne peut pas faire tout seul dans son coin : c’est l’objectif et la raison d’être des réseaux.